Nous étions trois enfants et ma mère ne quittait pas la maison. Les moments passés avec une gardienne se comptent donc sur les doigts de la main, et il en reste.
Grand-mère gardienne
Un jour où papa et maman étaient sortis ensemble (force majeure, probablement pour une visite au salon funéraire), nous avons été confiés à la garde de notre grand-mère Brière qui s’est amenée chez nous pour quelques heures. Nous étions très contents d’avoir l’occasion de profiter de sa présence; elle adorait les enfants, elle était bonne et gentille avec nous, dynamique et joyeuse. Nous avions reçu les avertissements d’usage à l’effet d’être tranquilles et de ne pas faire de misère à celle que notre grand-père Arthur appelait affectueusement sa Marie-Blanche.
Je me souviens particulière de grand-mère cette journée là. Je revois sa peau basanée toute décorée de milliers de rousselures. Ses très longs cheveux roux teintés de blanc étaient séparés vis-à-vis le milieu du front, ramenés derrière les oreilles, tressés puis attachés autour de sa tête comme une couronne de mariée. Elle était toute propre, vive et souriante comme toujours, selon nous du moins.
Violent orage
Tout se déroulait à merveille jusqu’au moment où un violent orage a éclaté. Très rapidement, grand-maman a rassemblé ses trois petits et les a empilés sur ses genoux. Assise, le dos à la fenêtre de la cuisine, sur la grosse chaise à tuyaux chromés au rembourrage couvert de cuirette mauve, elle berçait sa marmaille à un rythme qui cachait mal une certaine nervosité. Nous n’avions jamais su que la peur des orages existait; nous avions plutôt tendance à apprécier ces manifestations déchaînées de la nature…ou du Bon Dieu ! Nous avons compris bien plus tard l’anxiété que notre chère mémère ressentait en imaginant d’éventuels dangers qui n’effleuraient même pas nos esprits d’enfants.
Fervente prière
Je me souviens comme si c’était hier de cette prière qu’elle a répétée à maintes reprises jusqu’à ce que l’orage se calme; je l’entends encore invoquer, toute recueillie, « Sainte Barbe, Sainte Claire, protégez nous du feu, du tonnerre, des éclairs et de la foudre » et on reprenait en choeur l’incantation en mémorisant à chaque fois quelques mots de plus.
Retour dans le passé
Il y a quelques années, j’ai eu le privilège de visiter ma sœur Francine en Italie et une première expédition nous a conduit à Assise. Agenouillée devant le tombeau de Sainte Claire, j’ai eu l’impression d’entendre à nouveau ma grand-maman invoquer sa protection; c’est avec un grand sourire que sa prière m’est revenue à la mémoire.
Plus de cinquante ans ont passé depuis ce jour d’orage à Marieville et je revis ce moment privilégié à chaque fois que le tonnerre gronde et que les éclairs sillonnent le ciel. Quel beau moment de mon enfance !
J’espère laisser à mon tour à des tout-petits un souvenir aussi doux que celui de ma grand-mère Brière. Je souhaite avoir le privilège de transmettre, comme elle, des croyances réconfortantes et rassurantes comme celle de Sainte Barbe et Sainte Claire qui nous protègent du feu, du tonnerre, des éclairs et de la foudre.
Merci grand-maman pour ce doux souvenir gravé dans ma mémoire !