Un terrible malheur a frappé la famille Brière de Saint-Adolphe-d’Howard, le 3 décembre 1909, alors que madame Alexandre Brière, âgée de 54 ans, périssait dans les flammes en voulant sauver deux de ses petits enfants. On retrouve les détails de ce tragique événement dans le journal La Presse du lendemain.
Un terrible drame s’est déroulé, hier après-midi, à quelques milles d’ici, à Saint-Adolphe de Haward, comté d’Argenteuil. Votre correspondant, ayant appris cette nouvelle, se rendit aussitôt malgré l’état épouvantable des chemins dans cette paroisse. Une scène déchirante l’attendait à son arrivée. Un père et une mère, tout en larmes, se tenaient, entourés d’une partie de la population du village, à quelques distances d’une maison que l’incendie dévorait. M. le curé Fillion essayait de relever le courage de ses deux paroissiens si affligés.
Laissant ce groupe, votre correspondant s’approcha du théâtre de l’incendie. Un spectacle horrible se présenta à sa vue. Au milieu des flammes, il aperçu un squelette, un bras droit vers le ciel, et l’autre replié en arrière, semblant vouloir protéger quelqu’un. Ce squelette était celui d’une femme qui, n’écoutant que son courage héroïque, avait sacrifié sa vie pour sauver celles de deux enfants.
La maison incendiée était habitée par la famille de M. Joseph Roy, composée du père, de la mère et de trois enfants en bas âge. C’était une maisonnette de quinze par dix-huit pieds, à un mille et demi du village. Le père, depuis quelque temps, travaillait dans un chantier à trois milles de Saint-Adolphe. Hier après-midi, vers deux heures, Mme Roy laissa seuls ses enfants, à la maison, pour aller chercher du pain, chez sa voisine, Mme Brevais, qui demeure à deux arpents de chez elle. À peine la mère était-elle rendue à destination, que le cri de : ’Au feu ! Au Feu !’’ se fit entendre. C’était la plus âgée de ses enfants, la petite Marie-Anne, qui n’a que six ans et demi, qui étant sortie de la maison, appelait au secours.
Mme Roy, songeant à ses autres enfants, qui étaient seuls dans la maison, revint aussitôt en courant et voulut se précipiter dans les flammes mais elle fut devancée par une autre femme, sa mère, Mme Alexandre Brière.
Cette dernière évita à sa fille une mort horrible, mais devait payer de sa vie son dévouement sans cependant pouvoir sauver les deux enfants qu’elle voulait arracher aux flammes.
Après l’examen des lieux, on constate qu’elle a dû rejoindre les enfants, et que c’est en revenant avec les deux petites victimes qu’elle a péri. La fumée a dû l’empêcher de voir la porte, car on a trouvé son cadavre à trois pieds de cette dernière. Son squelette était tout calciné, et près d’elle, dans les cendres, on a ramassé les os des enfants. Les chairs étaient entièrement brûlées et détachées de ces ossements.
Les deux petites victimes étaient les plus jeunes enfants de Mme Roy: la petite Thérèse n’avait que deux ans et la petite Germaine, sept mois. Mme Alexandre Brière, née Ouimet (Rosina) laisse pour pleurer sa perte son mari, deux filles, mariées toutes les deux et deux fils. Elle est la nièce de l’honorable Aldéric Ouimet, et la sœur de l’ex-échevin Léandre Ouimet, de Montréal, du capitaine J. Adélard Ouimet, du 85ième régiment, avocat, président du club Morin; de Mmes Wilfrid et Joseph Ouimet, Joseph Mayer, Elie Mayer et Maxime Beauchamp, tous de Montréal. Elle était âgée de 54 ans. Lors des fêtes du retour à Montréal, elle était venue rendre visite à sa famille, et on était loin de supposer que c’était la dernière fois qu’elle venait dans la métropole.
L’incendie, qui a fait ces trois victimes, s’est éteint, ce matin faute de combustible.
Un amas de cendres fumantes, une couchette en fer et le squelette de Mme Brière marquent seuls son emplacement. Comme nous l’avons déjà dit, les ossements des enfants sont tous calcinés et réduits presqu’en cendre. On n’a voulu rien déranger avant l’arrivée du coroner qui doit être ici cet après-midi. La population entière sympathise avec les familles Roy et Brière dans le terrible malheur qui vient de les frapper.
Les funérailles de madame Brière et des deux enfants ont eu lieu le lundi 6 décembre, avec la permission du coroner.
Alexandre Brière (descendant de l’ancêtre Jean), fils de Joseph Brière et Adéline Desjardins, avait épousé Rose-Anna (Rosina) Ouimet à la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Montréal, le 4 juin 1877. Il a survécu à ce drame pendant près de 25 ans et est décédé à Saint-Adolphe-d’Howard, le 21 avril 1934; l’acte de sépulture est signé par son gendre, Joseph Roy, père des petites victimes.
La vie se poursuit, même après une si terrible épreuve pour des parents. C’est ainsi que Joseph Roy et Marie-Anne Brière ont vu naître sept autres enfants dans les années qui ont suivi ce drame.
Joseph est décédé en 1962 à l’âge de 82 ans et Marie-Anne s’est éteinte à son tour en 1965 à l’âge de 80 ans. Ils ont passé leur vie à Saint-Adolphe-d’Howard, village témoin de leurs lourdes peines et de leurs grandes joies.
Sources : La Presse du 4 décembre 1909; BMS 2000; ancestry.ca