Au cours de nos recherches généalogiques, nous avons retracé différentes personnes portant le patronyme Brière aux environs de Rimouski et de Rivière-du-Loup. À notre grande surprise, dans plusieurs documents ces Brière sont qualifiés par les termes « autochtone », « indien » ou « sauvage ». Ils sont tous reliés au même couple mystérieux, soit « Paul Brière et Élisabeth Therrien ».
Après plusieurs années de recherche et d’analyse, nous avons finalement réussi à percer une bonne partie de l’énigme de ces Brière. Ils sont véritablement « autochtones », abénakis et malécites, et ne sont reliés à aucun des ancêtres Brière originaires de Normandie en France.
Paul Joseph père
La découverte de l’acte de mariage de Paul Joseph et Élisabeth Therrien s’est avéré l’étape la plus importante de notre recherche; le document nous révèle que, à La Malbaie le 16 septembre 1844, Paul Joseph « sauvage abénakis » épouse Élisabeth Therrien, fille de Gervais Therrien et Marie Gagné de la Pointe-aux-Bouleaux.
Selon monsieur Serge Goudreau, bien connu pour ses recherches sur les autochtones, Paul Joseph serait le fils de Pierre (Peter) Joseph et de Marguerite Thomas; il serait né le 30 mars 1814 comme en fait foi l’acte de baptême du 15 avril rédigé dans les registres de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Bartibogue au Nouveau-Brunswick.
Pour sa part, Élisabeth Terrien est baptisée à La Malbaie le 8 février 1827, fille de Gervais Terrien, cultivateur du lieu, et de Marie Gagné. Ses ancêtres sur plusieurs générations sont d’origine européenne et non autochtone.
Un premier enfant voit le jour à la Pointe-aux-Bouleaux le 13 juin 1846; la fillette est baptisée à Postes-du-Roi, comté de Saguenay, le 26 juillet suivant. La famille s’installe ensuite dans la région du Bas-Saint-Laurent sur la réserve malécite de Viger où neuf autres bébés complètent la famille pour un total de sept filles (Angélique, Marie-Clémentine, Alexandrine, Marie-Aglaé, Marie-Louise, Marie-Anastasie et Marguerite) et trois garçons (Napoléon devenu Paul, Charles et François-Xavier). Les premiers actes religieux retrouvés mentionnent que Paul est cultivateur de la paroisse de l’Isle-Verte; à partir de 1854, on y précise que la famille est « du township des sauvages » ou « sauvage du township de Viger ». À compter du 7 septembre 1863 les événements pour le territoire de Viger sont consignés dans les registres de la paroisse Saint-Épiphane.
Dans les différents documents examinés, les membres de cette famille portent de façon imprévisible les patronymes Joseph, Paul-Joseph, Paul ou Brière. Nous n’avons pu expliquer jusqu’à présent pour quelle raison Paul Joseph a adopté le patronyme Brière transmis à plusieurs de ses descendants.
Le recensement de 1851 à l’Isle-Verte confirme la présence de la famille Joseph alors composée de Paul, Élisabeth Terrien (son épouse), Marguerite Thomas (mère de Paul) ainsi que trois fillettes (Angélique, Marie et Alexandrine); ils sont tous qualifiés des termes « sauvage malécite ». Dix ans plus tard, au recensement de 1861 à Viger, Paul et ses sept enfants (Angélique, Marie, Alexandrine, Aglaé, Paul, Louise et Charles) sont toujours inscrits sous le patronyme Joseph alors qu’Élisabeth est nommée Gervais Terrien.
Paul Joseph pourrait être apparenté à Louis et Joseph Saint-Aubin, concessionnaires du territoire de Viger, ce qui expliquerait pourquoi il s’est installé sur cette réserve autochtone malécite.
La grande famille algonkienne est un groupe linguistique et culturel comprenant plusieurs nations. Elle inclue, entre autres, les algonquins, les abénakis et les malécites. Ces derniers sont présents au début de la colonie et parfois confondus avec les abénakis. Leur territoire s’étendait depuis la rivière Saint-Jean au Nouveau-Brunswick jusqu’à la rivière du Loup au Québec et comprenait une partie de l’état du Maine. Ils s’adonnaient à la chasse, la pêche, la cueillette et l’agriculture. Il faut lire leur histoire dans l’ouvrage publié par monsieur Ghislain Michaud; un résumé touchant la famille Paul Joseph Brière, présenté en encadré, donne un aperçu des difficultés rencontrées par les malécites.
Nous pouvions situer le décès de Paul Joseph entre septembre 1864, alors qu’il est vivant au baptême de sa fille Marguerite, et octobre 1868, alors qu’on le dit défunt au mariage d’Aglaé. Un acte de sépulture nous confirme son décès au Township de Viger le 31 janvier 1866 à l’âge de 51 ans; son corps est inhumé le 2 février suivant dans le cimetière de l’Isle-Verte. Ce document comporte toutefois une erreur quant à son épouse nommée Angélique Thériault plutôt qu’Élisabeth Therrien.
À Saint-Épiphane le 18 août 1879, Élisabeth Therrien, veuve de Paul « Sauvage », épouse en secondes noces Joseph Jean, menuisier et veuf de Marie Therriault, de la paroisse Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. Cette union dure à peine deux ans puisque son nouvel époux décède à son tour à l’Isle-Verte le 19 juin 1881; Élisabeth se retrouve veuve une seconde fois.
Le recensement de 1881 à Saint-Épiphane, dans le Témiscouata, confirme qu’Élisabeth Paul Joseph, veuve de 54 ans, vit avec ses fils Paul (25 ans), Charles (22 ans) et François (20 ans) ainsi qu’un garçonnet de 7 ans prénommé Simon. Les cinq personnes de ce ménage portent le patronyme Paul Joseph et les adultes sont identifiés comme cultivateurs.
Paul Joseph fils
Paul, fils de Paul Joseph alias Brière et d’Élisabeth Therrien, naît le 27 octobre 1854 au « township des sauvages » et est baptisé le lendemain à l’Isle-Verte sous le nom de Napoléon Joseph. Cette date est cohérente avec l’âge de 6 ans déclaré au recensement de 1861.
Sous le nom de Paul Brière, cultivateur de Saint-Épiphane, il épouse Marie-Victoire Régis à Saint-Patrice de la Rivière-du-Loup le 7 juillet 1885. À l’acte de mariage, Victoire est dite fille de feu François Régis et de Louise Picard et serait née le 3 mars 1864, date possible vu l’âge de 36 ans déclaré au recensement de 1901. La famille autochtone de la nouvelle épouse est originaire de Betsiamites, une réserve indienne innue (montagnaise) située sur la Côte-Nord; selon certaines informations son défunt père aurait été montagnais et sa mère huronne-malécite.
À Saint-Épiphane dix mois plus tard, le couple voit naître un premier enfant qu’on prénomme Marie-Victoire. Puis la famille continue de s’agrandir avec deux autres poupons, Marie-Aurore et Marie-Alice. Les actes mentionnent l’absence du père lors des baptêmes et on le qualifie encore de « sauvage », un terme inacceptable de nos jours.La petite dernière ne survivra qu’une année et décède le 3 février 1890. Après cette épreuve, la famille quitte Saint-Épiphane puisqu’un premier fils vient au monde un mois plus tard à Saint-Patrice-de-la-Rivière-du-Loup. Les Brière s’établissent ensuite au Bic où onze autres bébés se succèdent dans le berceau familial, soit : Charles-Joseph, Paul-Auguste-Joseph, Marie-Cécile, Marie-Alberta, Marie-Louise-Eva, Marie-Cécile-Victoria, Louis, Pierre-Athanase, Marie-Desanges, Joseph-Antonio et Marie-Angelina-Bernadette. Six d’entre eux décèdent en bas âge et la vie de Pierre se terminera de façon prématurée à l’âge de 25 ans. Ils portent tous le patronyme Brière dès la naissance.
Lors des recensements de 1901 et de 1911, la famille de Paul et Victoire est répertoriée à Sainte-Cécile-du-Bic, près de Rimouski. Un document intitulé « Des indiens au Bic » révèle que « Victoria Régis allait dans les familles soigner les malades, elle était sage-femme, plusieurs familles étaient bien-aise de l’avoir.»
Paul Brière décède dans un hôpital de Québec le 9 avril 1929 à l’âge de 74 ans; son corps est inhumé le 12 suivant au Bic. Victoire Régis survit 20 ans à son mari et décède au Bic le 16 août 1949 à l’âge de 85 ans.
Descendance
Nul doute ne subsiste quant aux origines autochtones des descendants de Paul Joseph alias Brière et Élisabeth Therrien. Plusieurs d’entre eux portent le nom de famille Brière et vivent au Québec; citons par exemple Diane Brière, directrice du développement économique de la Première Nation malécite, qui a déjà assumé la charge de Grand Chef et accompli plusieurs réalisations pour cette Nation.
Nous sommes fiers qu’ils portent le patronyme Brière et nous portons un vif intérêt à l’histoire de leur famille et de leur peuple.
Sources : Ghislain Michaud, Les gardiens du portage – L’histoire des malécites du Québec, Les éditions GID (2003); Bernard Assiniwi—Histoire des indiens du Haut et du Bas Canada Tome 1, Leméac (1973); Serge Goudreau; Jacqueline Launière; BMS 2000, ISQ-Décès 1926-1996; ancestry.ca; Institut généalogique Drouin; familysearch.org; encyclobec.ca; Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BanQ).