À Granby, il y a quelques années, j’ai eu le privilège de rencontrer Madame Yola Joseph-Touchette, haïtienne d’origine, qui me confirmait l’existence de familles Brière à Haïti. Notre « cousine ».
Madame Yola a eu la grande amabilité de me laisser un texte fort éloquent concernant le poète haïtien Jean F. Brierre. En voici quelques extraits auquel j’ai ajouté son poème « Estampe de Noël » qu’il me fait plaisir de vous offrir.
Jean F. Brierre est né à Jérémie, le 23 septembre 1909. Après ses études secondaires au lycée de sa ville natale, il fait un stage à l’École d’Agriculture de Damiens. Puis, il entre dans l’Enseignement rural.
Mais la Muse lui fait entendre des voix douloureuses et héroïques. Il écrit « Au cœur de la Citadelle » et « Poème à la Croix Marchaterre » qui le signalent aux chevronnés des lettres haïtiennes. Le poète est alors nommé Secrétaire de Légation à Paris. Il publie en 1931, toujours dans la même veine, « Le Drapeau de Demain ». En 1933, Jean F. Brierre renonce au genre héroïque pour un temps et publie des poèmes d’intimité, « Chansons Secrètes ».
Il court par la suite une carrière publique brillante. Il sera Inspecteur des Écoles de Jérémie, Attaché Culturel au Département des Relations Extérieures, Sous-chef du Protocole et Sous-Secrétaire d’État au Département du Tourisme, puis Ambassadeur en Argentine.
Malgré son accaparement par ces fonctions publiques, le poète n’en continue pas moins son œuvre littéraire. Parmi les treize écrits publiés entre 1945 et 1966, on retrouve « Images d’Or » (1959), un recueil de onze poèmes de Noël pour sept enfants, illustrés de leurs dessins. Ces poèmes sont délicats et frais. On dit qu’il a retrouvé son enfance au contact de ses enfants. Le dernier vers du recueil est particulièrement touchant et se lit ainsi : « Sans bouger j’ai fait un voyage ».
Estampe de Noël
par Jean F. Brierre
Les jours et les nuits de l’année
Vont cheminant vers la Noël,
Et mages savants dans le ciel
Suivent des routes étoilées.
Jésus est couché sur la paille,
Les yeux lourds d’un songe infini.
Au loin le Mont Gethsémani
Se devine dans la grisaille.
Sous son voile tissé de lune,
Un sourd mystère la hantant,
La Vierge penche sur l’Enfant
L’angoisse de sa beauté brune.
Perdu dans une rêverie,
Fleurant le cèdre et le santal,
Joseph, d’un air sacerdotal
Sourit dans sa barbe fleurie.
L’âne dort et le bœuf rumine,
L’agneau bêle au cou du berger
Et selon un rite imagé,
Un arbre a mal à ses racines.
C’est le cortège des Rois Mages
Vêtus de pourpre d’orient
Qui font à Jésus souriant
Des dons cueillis dans les mirages.
Sur la terre entière endormie
Sur la hutte et sur le palais
Sur le maître et sur le valet
La loi de jungle est abolie.