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À une certaine époque, les habitants de différentes communes de France avaient développé leur propre language qu’on nommait souvent « patois », un parler local employé par une communauté généralement rurale et restreinte. Les Briérons ont longtemps utilisé ce moyen de communication linguistique.

Le Parc naturel régional de Brière est situé en Bretagne, une région du nord-ouest de la France. Les habitants des neuf communes qui y sont situées sont nommé les Briérons. Parmis ces communes se trouve celle de Mayun où on parlait le « patois mayun ».

Monsieur Guy Belliot, briéron natif de Mayun et grand collecteur des patois de Brière, se souvient : « Quand j’étais enfant, je parlais patois comme la plupart des enfants du village. Il ne m’est pas venu à l’esprit qu’un jour ce patois disparaîtrait au cours de ma génération, bien que déjà à l’école la langue française envahissait ma mémoire juvénile comme une sorte de contrepoison. »

Le patois de Mayun comme le language cauchois et d’autres patois bretons ou normands, ressemble étrangement à notre « joual » québécois, lui aussi en voie de disparition.

Voici un court texte en patois de Mayun et en français. Faites l’expérience de le lire à haute voix.

La nouêl en beurdjere

 

« ¨Catté l’mouais d’la Nouêl, c’ti a dé cadeuw et dé séreux preux d éne bôn-ne fouée de feu. I feuzer pu fré qu’ané et lé né té djè pu longues que lé jorneux. Falé hacher la glace et falé faire dé peurtus pour abeurver lé beutes dans lé rigoles. Tous lé se, noust pere fromé bie li lé voleuw avant d’ahaler la teurre su sé brodtchins vazous. Su l’pignon d’not maison yavé un pingnard qu’avé li fait son lé dans la ch’min-eux. On allé a la meusse de min-né en vouéture a chouow. On avé mint nos hardes jle pu blees. Le pére caté se hin-nnes dabonnées, son pal’tow et son chapeuw tené li lé djides de la joument. Apreux la meusse on r’vené à Madjun. Catté éne né de grand fré. Atour, cé pas pareuille ; féveurd’jé tchoque fe pu beuw ue l’moué d-ou. Dans la beurdgére on nve pas mezé d’peusson à part tchoques andjilles prinze dans lé bouaisselles. Ané, on goueu pas mézé parler l’madjonais ! Tcheu dommage ! ».

 

Noël en Brière

C’était le mois de Noël, celui des cadeaux et des soirées auprès du feu. Il faisait plus froid qu’aujourd’hui et les nuits étaient plus longues que les journées. Il fallait casser la glade et faire des trous pour abreuver les bêtes dans les fossés. Tous les soirs, notre père fermait les volets avant d’enlever la terre sur ses brodequins vaseux. Sur le pignon de notre maison, il y avait un pinson qui avait son lit dans la cheminée. On allait à la messe de minuit en voiture à cheval. On mettait nos habits les plus beaux. Le père avec son pantalon rapiécé, sa veste et son chapeau, tenait les renes de la jument. Après la messe, on revenait à Mayun. C’était une nuit de grand groid. Aujourd’hui, ce n’esst pas pareil ; février est quelquefois plus beau que le mois d’aout. Dans la Brière, on ne voit plus de poissons, à part quelques anguilles prises dans les nasses. Aujourd’hui, on n’entend plus parle le mayunnais ! Quel dommage !

Tout comme Guy Belliot, il nous est difficile d’imaginer que notre langue pourrait disparaître à court ou à moyen termes. Et pourtant, avec la mondialisation des marchés, avec la Communauté économique Européenne, on dit que les langues du futur seraient le japonnais, l’anglais, l’espagnol ou l’allemand.

La Bretagne comprend historiquement deux aires linguistiques : la Basse Bretagne, où l’on parlait une langue d’origine brittonique apparentée au gallois et au cornique, et la Haute Bretagne, où l’on parlait des dialectes romans ou gallo. Le breton, comme les autres langues celtiques, est d’origine indo-européenne. Il existe donc une ressemblance entre le breton et le gallois au niveau du vocabulaire et de la syntaxe puisqu’ils sont, à l’origine, une seule et même langue. Sans réduire la qualité de la langue bretonne, des dialectes distincts étaient en usage dans les quatre anciennes régions de la Basse Bretagne. Les années qui ont suivi la guerre de 1914 ont favorisé l’implantation de la langue française dans toute la Bretagne reléguant le breton à des territoires bien délimités. Les soldats de la grande guerre ont été profondément marqués par le fait qu’il ne comprenaient pas les commandements donnés en français et qu’ils étaient souvent ridiculisés.

Pour plusieurs alors, la langue bretonne est apparue comme un obstacle au progrès, et beaucoup refuseront en revenant de la guerre de parler en breton à leurs enfants. Dans les écoles, il ne faisait pas bon parler la vieille langue : non seulement ceux qui étaient pris à la parler étaient punis, mais on incitait les écoliers à dénoncer leurs camarades. Après la dernière guerre, l’Église catholique cesse d’enseigner le catéchisme en breton, accélérant ainsi le processus de débretonnisation. Depuis 1960, les Bretons ont pris conscience que leur langue risquait de disparaître. Devant l’inertie des pouvoirs publics, des familles ont créé à partir de 1977 des écoles bilingues, en commençant par des maternelles, puis permettant d’aller aujourd’hui, jusqu’au baccalauréat, avec d’excellents résultats, mais au prix de très lourds efforts financiers. …. En 2004, on estimait que 250 000 Bretons pouvaient encore s’exprimer dans leur langue (contre 1 200 000 vers 1930). …. En 1925 à l’exposition des Arts décoratifs de Paris, le ministre Anatole de Monzie déclara, lors de l’inauguration du pavillon breton, non sans créer de remous : « Pour l’unité linguistique de la France, la langure bretonne doit disparaître ». Trois quarts de siècle plus tard, la langue bretonne est vacillante.


Source : Marcel Fournier, Les Bretons en amérique française 1504-2004.