Je suis originaire de Marieville où j’ai grandi sur la rue Du Pont. L’entreprise qu’on appelait la « Knitters » était très présente dans notre vie au milieu du 20ième siècle.
Ma mère, Fleurette Lamoureux, y a travaillé plusieurs années, comme ma grand-mère, mes tantes, des parents, des amis, des voisins et de nombreuses connaissances.
L’usine était logée dans une très grande bâtisse de trois étages lambrissée de briques rouges. Deux entrées permettaient l’accès aux différents départements.
On y fabriquait des vêtements de tricot : gilets, bas, tuques, foulards. Des détails de son histoire se retrouvent dans le site Internet de la Société d’histoire de la Seigneurie de Monnoir. à l’adresse suivante : http://www.societehistoiremarieville.org/index.php/histoire/101-knitters-limited
Son sifflet fait encore partie de mes très bons souvenirs. Le son court et strident se faisait entendre 15 minutes puis 5 minutes avant 8 heures le matin et on répétait le scénario avant 1 heure de l’après-midi. Ils étaient suivis d’un long coup annonçant le début des opérations. Papa faisait une courte sieste après le dîner; le sifflet marquait l’heure du retour au travail pour lui et le moment du départ pour l’école pour ma soeur, mon frère et moi. J’imagine qu’il en était de même pour les autres familles du quartier.
Plusieurs employés de cette importante usine passaient devant notre maison lors des allers et venues entre leur domicile et « la shop ». La foule d’hommes et de femmes faisait le trajet quatre fois par jour puisque, à l’époque, les travailleurs retournaient à la maison pour le repas du midi. Je revois encore, les demoiselles Léonne et Cécile Viens, accompagnées de leur mère. Puis, les demoiselles Maynard, Blanche et sa nièce Marguerite, deux employées de bureau au statut particulier. Émile Massé, le mécanicien magicien, et combien d’autres marievillois dont le pas lent ou pressé révélait le niveau d’enthousiasme ou de fatigue.
Notre voisine, madame Georges Casavant née Florence Alix, faisait du travail à la maison pour le compte de l’entreprise. Sur une base régulière, son époux apportait de grands sacs contenant des pompons destinés à garnir les tuques de laine après avoir subit le traitement d’usage. Dès qu’elle s’installait sur la longue galerie de leur modeste demeure, plusieurs enfants du voisinage se faisaient un plaisir de l’y rejoindre. Munis des ciseaux qu’elle fournissait, nous nous appliquions à tailler des dizaines de boules multicolores, une précieuse collaboration à sa production quotidienne, pas très payante avouons-le.
Je me souviens du patron, monsieur Théodore Ouellette, qu’on appelait Theddy; un homme digne et calme aux cheveux grisonnants frisés et bien coiffés qui attirait le respect de tous. Toujours bien mis, il circulait à basse vitesse au volant d’une belle grosse voiture toute luisante; il garait ce bijou dans un petit garage, construit à l’avant de la bâtisse, à l’extrémité sud du terrain situé sur la rue qui porte encore son nom, la rue Ouellette.
Je me souviens aussi de cette mystérieuse maison de brique rouge de la rue Sainte-Marie où il habitait et dont nous ne pouvions pas nous approcher. Quelle propriété de rêve, loin du chemin, isolée des voisins et à demi-cachée par de grands arbres ! J’y suis entrée avec grand plaisir plusieurs années plus tard, alors qu’elle était devenue la propriété de mon patron, monsieur Jean Guité.
Il m’est fort agréable de raconter ces souvenirs livrés peu à peu par ma mémoire. J’ai même ressorti une photo de groupe des patrons et des employés, en grand format de 36 x 8 pouces. J’en joins un extrait sur lequel on peut voir ma mère avant son mariage en 1946. J’aimerais bien identifier tous les visages qui me sont familiers.
L’entreprise a cessé ses opérations et le bâtiment a été démoli mais l’histoire demeure chez tous ceux qui l’ont vécue ou l’entendent raconter. Marieville sans la « Knitters » et les usines de chapeaux ne sera plus jamais la même. C’était une autre vie !
Ma mère y avait appris l’utilisation de la machine à coudre de même que des techniques de production rapides et efficaces. Elle confectionnait, entre autres, les poches des « vestes d’hommes ». Passionnée de couture, elle avait encore une robe en production lors de son décès subit, en 1992, à 79 ans. Elle a su nous transmettre son savoir en ce domaine, à ma soeur Francine et à moi. Ma nièce Annie, fille de mon frère Clément et son épouse Manon Chaussé, a étudié le dessin de mode et la confection des vêtements; cet héritage reçu de sa grand-maman a pris sa source à la « Knitters ».
Je remercie madame Nichole Ouellette pour son superbe site Internet qui nous touche et ravive les bons souvenirs entreposés dans nos mémoires, un baume pour l’oeil et pour le coeur. Je vous invite à y faire un petit tour : site Internet
Merci à nos ancêtres communs pour cette belle vie qu’ils nous ont donnée en cadeau.