Toute collection de carte postale qui se respecte comprend une photo de la maison Labrière appelée « House in waterfront Quebec City ». Où cette maison est-elle donc située et quelle est son histoire ? C’est ce que nous allons découvrir !
Situation
Dans le quartier du « Petit-Champlain » de notre belle ville de Québec, une agréable promenade nous conduit au 10 rue du Cul-de-Sac et aux numéros civiques 23 ½ et 25 ½ rue du Petit-Champlain où nous trouvons enfin la fameuse maison Labrière. Témoin de l’époque de la Nouvelle-France et de plus de trois siècles d’histoire, cette maison à deux façades accueille aujourd’hui le restaurant « Trattoria Sant-Angelo », côté du Cul-de-Sac, ainsi que la joaillerie Sarra Bournet et la boutique d’articles de cuisine Pot en Ciel, côté du Petit-Champlain. Des résidents occupent les deux appartements de la maison. La façade rue du Petit-Champlain donne sur le parc Louis Joliette qui constitue une surprenante ouverture sur la falaise et son funiculaire.
Restauration
Nous devons la restauration exceptionnelle de ce quartier désaffecté au talent, à la passion et à l’engagement personnel de Gerry Paris, homme d’affaires, et Jacques de Blois, architecte et artiste. Ce dernier a publié un ouvrage fascinant intitulé « Le Rêve du Petit-Champlain » dans lequel il raconte et illustre les différentes étapes de la réalisation de leur grand projet qui inclue la maison Labrière.
Construite au 17e siècle par Pierre Normand dit Labrière, cette maison a dû être adaptée aux normes de sécurité municipales et au Code provincial du bâtiment. On a voulu respecter les moulures anciennes des siècles précédents qui se trouvaient dans les logements; elles seront là pour les futurs historiens et architectes. Sur la façade du côté nord de la rue du Petit-Champlain, de Blois dessine deux vitrines de style contemporain; cette introduction d’architecture nouvelle lui évite de construire du « faux-ancien » attaché à une façade authentique réanimée. Le visiteur averti comprend rapidement que la maçonnerie a été nettoyée et consolidée mais il constate que l’architecte a réussi à y laisser la marque du temps, un défi pourtant difficile à relever.
En 1984, après neuf années de travail et de nombreuses péripéties, la mission périlleuse de réanimation de ce quartier est enfin complétée; tout est prêt pour la venue des grands voiliers et de l’achalandage attiré par l’évènement. Dans ce projet génial et audacieux, Paris et de Blois ont vécu une merveilleuse aventure qui, toutefois, leur a coûté la santé. Tout en sauvegardant le patrimoine, ils ont réussi à joindre l’utile à l’agréable en faisant de ce quartier un secteur commercial recherché et un milieu de vie dynamique, un objet de fierté pour les québécois et un délice pour les visiteurs.
Les artistes voudront dorénavant peindre cette célèbre maison Labrière. tout comme la falaise, la terrasse Dufferin ou le Château Frontenac. Le café-terrasse du restaurant qu’elle abrite se retrouvera à son tour sur les nouvelles séries de cartes postales du Vieux-Québec.
Pierre Normand dit Labrière
Pierre Normand dit Labrière (ou Brière) était le fils de Pierre Normand et de Marie Guillemain. Il était originaire de Saint-Martin-du-Vieux-Bellème au Perche et serait né vers 1635.
Il est au pays dès 1658 et pratique le métier de taillandier, forgeron spécialisé dans la confection d’outils tranchants ou d’ustensiles. Il s’établit à la Basse-Ville de Québec où il est recensé en 1667. Il y loue d’abord une maison puis en achète une rue Sous-le-Fort. Plusieurs actes démontrent qu’il pratique comme marchand: ventes de marchandises, meubles et ustensiles de ménage sont répertoriées et un nombre considérable de personnes ont contracté des obligations à son égard.
À Québec le lundi 7 septembre 1665, il épouse Catherine Normand, une fille du roi de 21 ans originaire de la Bourgogne. De leur union naissent 11 enfants; seul le fils Louis, devenu taillandier comme son père, a transmis le patronyme à des descendants en Nouvelle-France.
Le 30 juillet 1671, il achète un terrain proche du Cul-de-Sac en vue d’y faire construire une première maison. Le 7 février 1673, il confie à deux charpentiers l’érection d’une bâtisse de 40 x 20 pieds. Un nouveau contrat est alloué le 26 février 1674 pour la construction d’une seconde maison sur la même rue; les différents actes notariés présentent une description détaillée de la nouvelle résidence. Sur la rue du Cul-de-Sac, comme sur la rue Sous-le-Fort, d’autres acquisitions et constructions seront réalisées par celui qui est très tôt considéré comme un bourgeois de Québec. Avec le temps, il s’adonne moins à son métier de taillandier et davantage à vendre des marchandises et à tenir auberge. Ses maisons sont louées à différentes reprises, notamment à un marchand de vin et à un aubergiste
Après une période d’hospitalisation en 1691, il diminue ses activités, engage des apprentis et commence à se départir de ses avoirs; ses revenus diminuent et il s’endette. Suite à la mort de son épouse en février 1703, un premier inventaire de ses biens est effectué par le notaire Lacetière. Les deux maisons qu’il possède encore rue du Cul-de-Sac sont alors évaluées à 5750 et 7750 livres. Il aura opéré sa forge entre 1673 et 1695 dans le bâtiment qui porte toujours son nom quelque 335 ans plus tard; l’aurait-il cru à l’époque ?!
Après quatre ans de veuvage, Pierre Normand dit Labrière décède à l’Hôtel-Dieu de Québec et son corps est inhumé le 13 décembre 1707. Certains de ses enfants ont quitté la Nouvelle-France laissant peu de descendants au pays.
Nommée en mémoire de son premier propriétaire, la maison Labrière nous rappelle nos ancêtres Brière qui ont foulé le sol de ce chaleureux quartier du Vieux-Québec il y a plus de trois siècles. Vous êtes invités à faire de même en passant un moment fort agréable, un pied dans la Nouvelle-France et l’autre au Québec du 21e siècle.
Sources : Jacques de Blois-Le Rêve du Petit-Champlain; Michel Langlois-Dictionnaire biographique des ancêtres québécois; Bertrand Desjardins-Dictionnaire généalogique du Québec ancien.